Roland Marchal Tchad/Darfour : vers un système de conflits

Publié le par Akhbach

Roland Marchal

Tchad/Darfour : vers
un système de conflits

Le conflit au Darfour et la crise politique au Tchad
participent de la constitution d’un système de conflits,
qui pourrait à terme également affecter la Centrafrique.
En considérant les dynamiques de ces deux crises de
nature différente dans leur contexte, on perçoit les
facteurs qui ont poussé à une transnationalisation
des acteurs armés et à une militarisation des contradictions
politiques et sociales dans les deux pays.
Les politiques d’influence des États de la région, outre
le Tchad et le Soudan, ont également eu des effets
contradictoires qui, pour l’heure, ne contribuent guère
à la pacification.
135 CONJONCTURE
Deux événements récents, la réélection d’Idriss Déby Itno au Tchad avec
plus de 77 % de voix le 3 mai 2006, et la signature, deux jours plus tard, dans
la capitale nigériane, d’un accord de paix sur le Darfour, pourraient laisser
croire que la situation dans cette zone du continent va, après trois ans de
turbulences, se normaliser 1. Partant d’une analyse des liens multiples entre
les crises au Tchad et au Darfour, le présent texte conclut au contraire à la
probabilité de voir la situation se détériorer encore – ce risque est aggravé
par l’absence de prise en compte par la communauté internationale des aspects
transnationaux de ces crises, qui pourraient se propager encore, par exemple
vers le Nord de la Centrafrique.
Comme pour les conflits du fleuve Mano, il paraît justifié d’évoquer la
constitution d’un système de guerres puisque des conflits armés produits
de conjonctures nationales distinctes et relevant d’acteurs, de modalités et
1. Pour montrer le fonctionnement démocratique des institutions, comme de tradition au Tchad, le
score a été revu à la baisse (64,67 %) par la Cour suprême le 29 mai.
d’enjeux différents s’articulent les uns aux autres et brouillent les frontières
spatiales, sociales et politiques qui les distinguaient initialement. Ces conflits
entrent en résonance et s’imbriquent les uns dans les autres, transformant
leurs conditions de reproduction et, surtout, les parties qui s’affrontent, les
enjeux de la lutte et les objectifs poursuivis. Une telle intrication de violences
armées civiles et internationales fait ainsi système 2.
On se limitera ici à une première approche des éléments qui justifient cette
appréciation, sans revenir en détail sur les facteurs structuraux des deux
crises 3. On ne doit pas en effet laisser penser que la crise tchadienne n’est,
comme le président Déby le prétend, que le débordement de la crise du
Darfour, pas plus qu’il n’est acceptable de faire, à la manière de la Sécurité
soudanaise, de l’ethnie d’Idriss Déby, les Zaghawa, la cause ultime de la guerre
au Darfour sur la base de leur surreprésentation dans les appareils militaires
des insurgés darfouriens. Les crises au Darfour et au Tchad ont des origines
diverses, ne se sont pas nourries des mêmes contradictions, pas plus qu’elles
ne se sont militarisées de la même manière. Aucune symétrie ne peut être
a priori postulée, même si certains acteurs semblent se recouper – les Arabes
et les non-Arabes, par exemple 4.
Trois dimensions paraissent devoir aujourd’hui retenir l’attention. La
première est la crise au Darfour et les enjeux militaires et symboliques qui
sont en train de prendre forme au sortir d’une négociation très difficile à
Abuja. La seconde est l’incapacité du régime d’Idriss Déby, pour des raisons
qui tiennent tant à sa survie qu’aux assurances reçues de la France depuis
des années, de se réformer de l’intérieur et d’élargir sa base sociale. La troisième,
trop rapidement abordée dans ce texte, tient à la configuration des intérêts
de la communauté internationale, notamment des États-Unis, de la Libye
et de la France, les États-Unis voulant régler la crise au Darfour, les Libyens
éviter une présence internationale, les Français protéger Déby à tout prix.
Si l’immobilisme politique de la France se confirmait sur ce dossier (à l’instar
d’autres comme la Côte d’Ivoire, fin de règne chiraquien oblige), il jouerait
un rôle non négligeable dans la militarisation accrue de la crise politique tchadienne
et dans l’intrication de plus en plus profonde entre celle-ci et un conflit
très difficile à dénouer au Darfour.
La guerre au Darfour
Pour écarter d’emblée toutes les ambiguïtés, il faut rappeler que la crise
au Darfour est politique et a pour fondements le fonctionnement de l’État
soudanais depuis de très longues années et une détérioration des modes
de gestion d’écosystèmes minés par la désertification. Les conflits fonciers,
136 CONJONCTURE
Politique africaine n° 102 - juin 2006
137
aiguisés par les tensions écologiques et démographiques des deux dernières
décennies, auraient pu trouver d’autres expressions que celles qui prévalent
depuis 2003. Le régime islamiste, confronté à son échec interne et aux négociations
avec le Sudan People’s Liberation Movement (SPLM), dirigé alors
par John Garang 5, a été incapable d’éviter l’escalade militaire et en assume le
premier la responsabilité. Le conflit au Darfour a comporté, dès ses prolégomènes,
des dimensions transversales importantes – on relèvera ici les trois
principales. D’abord, l’histoire : le conflit actuel dans l’ouest soudanais est,
pour une large part, lié aux événements qui déchirent cette région dans les
années 1980 et dont les acteurs sont soudanais autant que tchadiens. Ensuite,
la mobilisation guerrière s’est faite autour de groupes ethniques disposés
sur la frontière selon des formes propres et qui ont joué un rôle important
dans la survie de l’insurrection. Enfin, les politiques des États de la région ont
également beaucoup fait pour lier les deux contextes.
Un conflit vieux de 20 ans
Même si l’argument doit être utilisé avec prudence, il faut souligner ici que
le conflit qui se déploie au Darfour au début des années 2000 est l’héritier des
événements tragiques des années 1980. Dans un contexte international
alors très différent, marqué par l’hostilité des pays occidentaux et de leurs
alliés régionaux aux ambitions du colonel Kadhafi 6, le Darfour a servi alors
de sanctuaire aux oppositions tchadiennes : c’est là en effet que s’est organisée
la prise de pouvoir d’Hissène Habré en 1982 au Tchad, et c’est également là
que se sont réfugiés les restes du Gouvernement d’unité nationale du Tchad
de Goukouni Weddeï après sa défaite, puis, en 1989, Idriss Déby. Ces événements
et leurs conséquences sur les sociétés locales ainsi que l’insupportable
2. Pour une autre illustration de l’usage de ce concept, voir R. Marchal, « Liberia, Sierra Leone,
Guinée : une guerre sans frontières », Politique africaine, n° 88, décembre 2002.
3. Sur le Tchad, voir le dernier rapport d’International Crisis Group, Tchad : vers le retour de la guerre ?,
Bruxelles, mai 2006. Pour le Darfour, voir R. Marchal, « Le Soudan d’un conflit à l’autre », Les Études
du CERI, n° 107, septembre 2004, « La guerre au Darfour », Politique africaine, octobre 2004 ainsi que
le dossier qu’y consacre la revue Afrique contemporaine, n° 214, 2005 et les deux ouvrages suivants :
G. Prunier, Le Darfour : un génocide ambigu, Paris, La Table Ronde, 2005 et A. de Waal et J. Flint, Darfur :
a Short History of a Long War, Londres, Zed Books, 2005.
4. Noter sur ce point le rappel que fait J. Tubiana en conclusion de son article, « Le Darfour, un conflit
pour la terre ? », Politique africaine, n° 101, mars-avril 2006.
5. Garang est décédé dans un accident d’hélicoptère le 30 juillet 2005. Son successeur est Salva Kiir
Mayardit.
6. R. Collins et J. Burr, Africa’s ThirtyYears War : Libya, Chad, and the Sudan, 1963-1993, Boulder,
Westview Press, 1999.
sécheresse du milieu des années 1980 7 constituent une période traumatique,
déjà troublée par la fin de la dictature du maréchal Nimeyri au Soudan.
Au Darfour, l’arrivée, en avril 1989, d’Idriss Déby, chef d’état-major en fuite
à la suite d’une tentative de coup d’État manquée à N’Djamena, et ses efforts
pour constituer une force militaire sont à l’origine dans cette région d’une
polarisation sociale et militaire dont on retrouve les traces aujourd’hui : Déby
s’appuie alors sur son groupe ethnique, les Zaghawa et sur les milices arabes
du Conseil démocratique révolutionnaire, l’une des factions dissidentes du
Front de libération nationale (Frolinat). Les conflits, notamment entre les Four,
le principal groupe ethnique du Darfour, et les Arabes, se multiplient et se nourrissent
des aides militaires fournies par la Libye aux partisans d’Idriss Déby
et par le Tchad aux populations locales qui perdent le contrôle sur la terre et
l’eau du fait de cette présence étrangère militarisée. C’est aussi dans cette
période que les équilibres démographiques évoluent et brouillent encore
davantage les appartenances nationales, déjà bien labiles dans une telle zone
et dans une telle situation. Conscients qu’ils n’obtiendraient pas d’aide humanitaire
d’un régime qu’ils combattent, une partie des groupes arabes tchadiens
qu’on retrouve actuellement aux côtés de Khartoum, notamment les Awlad
Zeyd et autres Mahamid, avaient consolidé alors leur présence au Darfour,
moins par anticipation stratégique que pour survivre.
Surtout, cette régionalisation de la guerre du Tchad incite le groupe ethnique
d’Idriss Déby, les Zaghawa, à s’unir derrière lui pour se protéger des attaques
brutales que mènent les forces d’Hissène Habré au-delà de la frontière
avec le Soudan en 1989 et 1990. Cette unité n’allait pourtant pas de soi, comme
en témoignent les fractures aujourd’hui visibles au sein des Zaghawa : les
divisions internes comme celles qui résultent d’histoires stato-nationales
différentes ont un profond impact sur les Zaghawa. En effet, les Bideyat – le
sous-groupe ethnique de Déby – sont essentiellement tchadiens et ne sont
pas présents à la frontière. Les Zaghawa soudanais, s’ils ont des contacts avec
leurs «parents » tchadiens, n’appartiennent pas aux mêmes clans. Ainsi, du côté
tchadien, outre les Bideyat, de loin les plus importants, il faut citer les Kobé
situés sur la zone frontalière, les Kapka, un sous-clan qui s’est autonomisé
des Kobé, et les Borogate, souvent associés aux Goranes, le groupe ethnique
d’Hissène Habré 8. Du côté soudanais, les clans zaghawa sont nombreux
mais les plus importants démographiquement et militairement dès cette
époque sont les Gala et les Twer, auxquels il faudrait joindre les Suweini, les
Artaj, les Awlad Digein, etc. De plus, les relations entre groupes zaghawa
tchadiens sont tout sauf simples, notamment parce que la colonisation
française a réorganisé les chefferies – seule une branche des Kobé, celle d’Hiriba,
en avait réellement profité pour augmenter la prééminence de son sultanat et
138 CONJONCTURE
Politique africaine
139 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
les réminiscences de cet épisode historique sont souvent mobilisées dans la
crise politique actuelle.
Cet alignement des Zaghawa sur Déby est également encouragé par les
autorités soudanaises et libyennes. La solidarité ethnique – choix trop souvent
décrit comme quasi naturel – s’adosse donc sur un calcul fort peu primordialiste,
et les promesses de « butin » en cas de victoire ne sont pas sans importance :
il s’agit d’accéder à des positions dans l’appareil d’État conquis, de bénéficier
d’une manière ou d’une autre des facilités qu’octroie son contrôle mais aussi
de s’appuyer sur lui pour défendre les revendications que pourraient nourrir
les Zaghawa du côté soudanais de la frontière.
Pour leur part, c’est plus tôt, dans les années 1980, avant la rupture entre
Déby et Habré, que les groupes arabes tchadiens ont connu une période très
difficile : c’est Idriss Déby et ses proches qui mènent alors la répression, pour
le compte d’Hissène Habré. Les divisions entre dirigeants arabes et les
multiples conflits que leur repli au Soudan aiguise n’empêchent pas leur
installation dans l’ouest soudanais. Dans la guerre actuelle au Darfour, ces
groupes arabes sont sciemment mobilisés par les renseignements militaires
soudanais qui mettent en exergue leur statut tchadien et la précarité de leur
présence pour en faire les fantassins d’une guerre qui n’est pas vraiment la
leur. Peut-être parce que leur poids militaire n’est pas essentiel, on sait peu
de chose de l’attitude des Masalit, une autre population frontalière, durant
cette première phase du conflit alors qu’ils sont directement confrontés aux
« envahissements » des uns et des autres 9.
Des niveaux de mobilisation différents dans la guerre actuelle
au Darfour
Alors que la situation se détériore à la fin des années 1990 au Darfour,
plusieurs dynamiques vont s’enclencher : d’abord, un sentiment de déception
à l’égard du président Déby ; ensuite, face à cette détérioration de la situation
le rappel du pacte de solidarité entre Zaghawa conclu en 1989 ; encore, la
formulation par les intellectuels d’un discours ethno-nationaliste ; enfin,
l’émergence de cadres politiques ou militaires décidés à organiser les milices
d’autodéfense créées à l’occasion de conflits locaux en mouvements politicomilitaires
au niveau régional. C’est la convergence de ces évolutions qui
7. A. de Waal, Famine that Kills : Darfur, Sudan, 1984-1985, Oxford, Clarendon Press, 1988.
8. Une plaisanterie en rend compte « Gorane sous Habré, Zaghawa sous Déby ».
9. Voir la recherche en cours d’Andrea Behrends.
éclaire la création des groupes armés au Darfour – le Sudan Liberation
Movement/Army (SLM/A), dont les principaux dirigeants sont Abdel Wahid
Mohamed Ahmed Nur, Khamis Abdallah Abakar et Mini Arkoi Minawi 10
et le Justice and Equality Movement (JEM) dirigé par Khalil Ibrahim
Mohamed11 –, leur enracinement social mais aussi leurs difficultés à s’organiser
et à promouvoir des programmes politiques concrets qui dépassent
les pétitions de principe.
Au Tchad, le mécontentement à l’encontre d’Idriss Déby croît et se radicalise
dans les années 1990 et atteint sans doute un sommet lors du congrès de son
parti, le Mouvement patriotique de salut (MPS), en novembre 2003. Avant
même que Déby ne manifeste en 2003 sa volonté de se représenter pour un
troisième mandat et de changer la constitution, trahissant ainsi une promesse
maintes fois répétée, de nombreux Zaghawa critiquent férocement son incapacité
à «partager», sa gestion dilettante de l’appareil d’État 12 ou son aveuglement
politique – incapable de faire des compromis politiques, Déby mettrait en
danger la pérennité des acquis zaghawa. Ces critiques, on l’aura compris,
n’émanent ni des mêmes cercles, ni ne visent les mêmes buts tant il est clair
que les Zaghawa, à l’instar de la population, sont divisés dans leur évaluation
du régime. Elles s’expriment en tout cas par une tentative de coup d’État en
mai 2004 et par des défections récurrentes à partir de l’automne 2005 dans
les cercles dirigeants et dans la garde prétorienne du régime tchadien.
Au Darfour, la situation s’est détériorée en plusieurs phases au cours des
années 1990. On pourrait citer les affrontements qui, bien avant la date
« officielle » de février 2003, mobilisent les Zaghawa au Nord-Darfour 13.
Ces vendettas ont un impact d’autant plus grand sur l’opinion zaghawa
qu’elles s’inscrivent dans un fort déséquilibre de pouvoir. Du côté tchadien,
les Zaghawa disposent d’une très grande impunité qui leur permet d’agir à
leur guise face à une population qui n’en peut mais. Du côté soudanais, ce
sont les Zaghawa qui sont les victimes de l’impunité de groupes hostiles 14.
Ce décalage et ce refus de questionner l’impunité constituent des facteurs
de mobilisation et d’escalade dans ce qui devient alors la guerre du Darfour.
Des intellectuels zaghawa de la diaspora posent, au fil de la publication
de travaux historiques, la question du statut de leur peuple (« un peuple
[aujourd’hui] sans État ») et de sa grandeur passée – les Zaghawa seraient à
l’origine d’un grand sultanat au IXe siècle et ont constitué la charpente militaire
du sultanat du Darfour au moins dans une partie des XVIIIe et XIXe siècles. Ce
débat, qui mêle poésie épique, ethnicité morale, mémoire sociale et frustrations
nationalistes, a sans aucun doute joué un rôle dans l’identification de la population
zaghawa à la cause du Darfour : sans qu’il s’agisse de construire un
« Zaghawaland », comme le prétend le régime soudanais, il y a certainement
140 CONJONCTURE
Politique africaine
141 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
chez certains – pas forcément les dirigeants – l’idée d’une possibilité de renouer
avec l’Histoire, de clore, en quelque sorte, un cycle khaldounien.
Toujours est-il que les Zaghawa jouent très vite un rôle central dans les
groupes militaires insurgés même si ce sont les Four qui y sont majoritaires.
Pourquoi ? Pour partie, sans doute, du fait de leur mode de vie, très proche
de celui des janjawid, les milices arabes. Mais il faut aussi tenir compte de ce
qu’on doit appeler la greffe tchadienne : certains Zaghawa ont passé des
années dans les forces armées tchadiennes (garde nomade, garde républicaine,
ou simplement armée), et ils disposent d’un approvisionnement assuré
par leurs anciens collègues de l’autre côté de la frontière et, bientôt, de camps
de réfugiés qui leur servent de base de recrutement 15.
Des politiques d’État vecteurs d‘une transnationalisation
du conflit
Au Darfour comme en Afrique de l’Ouest, l’idée de la transnationalisation
de la guerre évoque trop souvent des dispositifs informels tout en occultant
le rôle concret des États dans leur mise en place. Plusieurs États ont joué un
rôle essentiel dans le maillage des conflits au Tchad et au Darfour. Certains l’ont
10. Abdelwahid, président du MLS, est Four ; Khamis, vice-président, est Masalit et Mini, secrétaire
général, est Zaghawa/Gala. Ainsi, les trois groupes ethniques les plus importants dans l’insurrection
sont représentés au sommet. Mais cette représentation est vite mise en question par les événements
et ne traduit aucunement les réalités militaires.
11. Khalil est un Zaghawa/Kobé, proche de Hassan Tourabi, ministre dans l’État du Nord-Darfour
et responsable un temps dans les Forces de défense populaire.
12. Les Tchadiens se désolent souvent des sous-préfets, le plus souvent zagahwa, nommés par le
Président, qui ne savent ni lire ni écrire, « analphabètes bilingues » et « diplômés de l’école des
chèvres »…
13. Malgré certains désaccords, l’ouvrage d’Alex de Waal et de Julia Flint est une bonne source de
ce point de vue. Voir également une synthèse de très bonne qualité sur l’histoire du conflit proposée
par les Nations unies : D. Polloni, Darfur in pieces. Conflict analysis Tools n. 6, Khartoum, Nations
unies, 24 mars 2006.
14. S’il est vrai que certaines milices tribales arabes entretiennent de très bonnes relations avec
l’armée soudanaise et les Forces de défense populaire, il faut rappeler que le gouverneur du Nord-
Darfour, le général Ibrahim Suleiman, a fait emprisonner le chef arabe Musa Hilal et certains de ses
acolytes qu’il considère comme des bandits à l’automne 2002. Ils sont relâchés au printemps 2003 par
le vice-président, Ali Osman Mohamed Taha, et mènent depuis la sale guerre que l’on sait.
15. Lettre datée du 19 avril 2006, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité
du Conseil de sécurité transmettant le rapport final du groupe d’experts, S/2006/250. Voir également
les rapports mensuels au Conseil de sécurité sur la situation au Darfour disponibles sur la page
<www.un.org/Docs/sc/sgrep06.htm>.
fait consciemment ; pour d’autres, il s’agit plutôt d’effets non intentionnels
de leurs politiques ; pour la France en particulier, il s’agit sans doute d’un
aveuglement de plus.
Les présidents tchadien et soudanais Idriss Déby et Omar el-Bechir, initialement,
font le pari d’une étroite coopération sécuritaire pour réduire ce qui
n’apparaît au début 2003 que comme l’agglomération de groupes miliciens créés
dans des terroirs différents mais tous également hostiles à l’administration de
Khartoum et à certains notables tribaux arabes. Cette collaboration va produire
des effets inattendus. En effet, les déplacements de population, la destruction
des villages au Darfour, certains affrontements au sein des groupes insurgés,
quelques-unes de leurs divisions sont rapidement imputés aux deux chefs
d’État. Ces imputations fragilisent encore la base d’Idriss Déby au Tchad ; les
Kobé, en particulier, y voient la permanence d’une humiliation après l’élimination
de leur leader, Abbas Koty, en 1993 16.
Pour illustrer cette coopération et ses conséquences quelquefois surprenantes,
il faut évoquer ici la création du Mouvement national pour la réforme
et la démocratie (MNRD) : ce groupe rassemble des combattants essentiellement
Zaghawa/Kapka issus du JEM de Khalil Ibrahim Mohamed, lui-même
étant un Zaghawa/Kobé. Lors de sa médiation, au printemps 2004, Idriss
Déby avait tenté, sans succès, d’imposer les futurs dirigeants du MNRD, plus
conciliants que Khalil et ses partisans, comme les représentants légitimes
du JEM 17. En décembre 2004, alors que les négociations à Abuja piétinent
et soulignent la mauvaise volonté de Khartoum, ce groupe signe un accord
de paix avec le régime d’el-Bechir tout en faisant le coup de feu contre le JEM.
Les véritables fondateurs du MNRD sont sans doute, côté soudanais,
Hassan Borgo, un Kapka, responsable de l’Afrique de l’ouest du National
Congress, le parti au pouvoir à Khartoum, dont le propre frère est directeur
de la radio al-Nasr à N’Djamena et cadre du MPS, et côté tchadien, Mahamat
Ismaël Chaïbo, autre Kapka, qui dirige l’Agence nationale de sécurité (ANS)
tchadienne.
Plus intéressantes, peut-être parce que plus difficiles à cerner, sont les
politiques libyenne et érythréenne. La Libye, dans le conflit au Darfour, a
deux priorités. La première est d’éviter la présence de troupes étrangères à ses
frontières. Malgré la normalisation diplomatique avec le Royaume-Uni et les
États-Unis, patente depuis le début 2004, le dirigeant libyen reste obsédé
par la possibilité d’une tentative d’assassinat contre sa personne, à l’instar
du bombardement de 1986. La seconde est d’apparaître comme la seule
puissance régionale en devenir et d’être incontournable dans la quête d’une
solution au conflit. Pour ce faire, le dirigeant libyen mobilise les réseaux
tombés en désuétude pendant les années 1990 : ceux attachés de près ou de loin
142 CONJONCTURE
Politique africaine
143 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
au défunt Abbas Koty, dont les inclinations pro-libyennes étaient indéniables ;
ceux noués lors de ses contacts dans les années 1990 avec le régime soudanais.
Encore une fois, les Zaghawa (ex ?) islamistes du JEM jouent un rôle politique
qui va bien au-delà de leur représentativité sur le terrain militaire ou social…
Le cas de l’Érythréen – et peut-être, parallèlement, du SPLM – est moins
sophistiqué mais peut-être d’une plus grande efficacité : les livraisons d’armes
et de munitions ne nécessitent pas de longues arguties. Lorsque certaines
factions darfouriennes 18 signent à N’Djamena, en janvier 2006, une alliance
sous le patronage du président Déby, Abdallah Mohamud Jaber, un conseiller
aux questions de sécurité du président érythréen Issayas Afeworki, joue un
rôle important et récompense cet accord par des cargaisons d’armes et de
munitions aux signataires. L’Érythrée, en effet, voit dans la normalisation
de la situation intérieure au Soudan, un affaiblissement d’autant que l’alliance
entre Addis-Abeba et Khartoum se maintient.
La signature d’un accord de paix à Abuja le 5 mai 2006 ne remet pas, pour
l’heure, en cause le maillage réciproque de ces deux conflits. D’abord, s’il est
fait grand cas du désarmement des janjawid, aucune définition n’est donnée
de ces milices. Depuis juin 2004, le gouvernement soudanais a signé au moins
trois accords pour démobiliser ces groupes mais on a surtout assisté à des
recrutements massifs dans de nouvelles unités de « gardes frontières » et de
«Forces de défense populaire». Un certain nombre de chefs coutumiers de tribus
arabes ont déjà annoncé que l’accord de désarmement ne les concernait pas,
tradition du port d’arme oblige. Le fait qu’un seul chef de faction de la SLA,
Mini Arkoi Minawi, ait signé, alors que celui sur lequel la communauté internationale
avait parié, Abdel Wahid, s’est abstenu comme d’ailleurs le dirigeant
du JEM, crée également des tensions importantes. Cette différence pourrait bien
16. Figure importante du MPS, Abbas Koty, un Kobé lié à la famille du sultan de Hiriba, avait fondé
le Comité national de redressement à la suite d’un coup d’État manqué en 1992. Rentré à N’Djamena
à la suite d’une réconciliation garantie par le Soudan et la Libye, il a été tué le 22 octobre 2005.
17. Le secrétaire du MNRD, Nourene Manawi Bartcham, est un Tchadien, ancien du MPS et auteur
d’une hagiographie d’Idriss Déby publiée en arabe. Le « colonel » Djibrine Abdelkarim «Tek » a eu
une existence plus mouvementée. Militaire, il a participé à la victoire d’Idris Déby contre Hissène Habré
en 1990 mais a suivi la révolte d’Abbas Koty en 1992 : il dirige alors au Darfour l’aile militaire de son
organisation, le Conseil national de la révolution. Grâce à la médiation du Soudan et à l’arrestation
de plusieurs dirigeants en Libye, cette rébellion cesse rapidement et il rentre au Tchad en 1993 pour
être affecté un temps à la Garde présidentielle.
18. Le 18 janvier 2006, le JEM de Khalil Ibrahim, la faction SLA de Mini Arkoi Minawi et la faction
de Khamis Abdallah signent un premier texte. Un second accord est signé avec le MNRD le 23, sans
la participation du JEM.
dégénérer en batailles rangées, les Four accusant les Zaghawa d’avoir troqué
les revendications pour un strapontin dans la direction du Darfour. Sans surprise,
c’est la carte que Khartoum s’apprête à jouer. Mais le président tchadien
n’est pas en reste : il laisse se poursuivre le recrutement forcé dans les camps
de réfugiés au Tchad de combattants pour les mouvements darfouriens et,
fin mai 2006, il semblait soutenir un nouveau groupe armé dont le mentor
n’est autre que Sharif Harir, un universitaire d’opposition zaghawa soudanais
qu’il n’a cessé de promouvoir contre Mini au sein de son groupe ethnique.
La crise tchadienne
Lorsqu’une colonne de rebelles tchadiens arrive aux portes de la capitale
le 12 avril 2006, le président Déby dénonce une expédition menée par des
mercenaires soudanais. C’est cette explication qu’il essaie depuis de faire
prévaloir sur la scène internationale. Quelle population ne serait heureuse
de conserver un dirigeant malade et usé par 15 ans de règne sans partage,
qui a réussi à cultiver l’impunité pour les siens, à laisser le Tchad en tête des
pays les plus corrompus et les plus pauvres au monde ? Avec un tel bilan, on
comprend pourquoi, faute d’oser prendre la mesure de l’opposition intérieure,
Déby doit blâmer les mercenaires étrangers : la méthode, pour être simple,
a plusieurs fois fonctionné en Afrique, au Togo par exemple.
La précédente section soulignait les multiples liens officieux puis officiels
que le Tchad avait tissés avec l’opposition insurgée darfourienne. Si Idriss
Déby semble avoir joué un temps le jeu de Khartoum, il l’a fait contre monnaie
sonnante et trébuchante, avant de changer d’attitude. Dès le printemps
2004, les services soudanais l’accusent d’avoir joué un double jeu dès le
début du conflit et de n’avoir suivi les injonctions de Khartoum que pour
en tirer profit tout en limitant les effets destructeurs sur l’insurrection darfourienne.
En conséquence, Khartoum autorise l’ouverture de camps d’opposants
tchadiens dès l’été 2004 – puis leur alloue des moyens de plus en plus importants
dans l’année qui suit. Il est difficile d’être précis sur la datation, mais il
est probable que le vote des résolutions 1591 et 1593 par le Conseil de sécurité
en mars 2005 a constitué, après la publication, fin janvier 2005, du rapport
Antonio Cassese, un premier palier de rupture 19. Le basculement est acquis
lorsqu’à l’automne 2005, les défections zaghawa au sein de la garde républicaine
révèlent la profondeur de la crise de régime au Tchad. Après cette date,
il s’agit pour Khartoum de briser la seule carte militaire des insurgés du
Darfour : la possible sanctuarisation au Tchad et la mobilisation guerrière
transnationale efficace des Zaghawa. Pour avancer, il faut peut-être saisir d’un
point de vue plus tchadien une série de dynamiques qui se développent dans
144 CONJONCTURE
Politique africaine
145 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
les années 1990 et dont les effets politiques se font vivement sentir lorsque la
crise au Darfour se transforme en conflit armé. On en évoquera ici trois : la
centralité du factionnalisme armé dans la vie politique tchadienne ; les dissensions
au sein des Zaghawa qui créent les conditions d’une crise hégémonique ;
le jeu de Khartoum face à la double marginalité sociale des élites dirigeantes
et des groupes combattants.
La centralité du factionnalisme armé dans la vie politique tchadienne
De la déliquescence du Frolinat au début des années 1970 sous les coups de
l’armée française, de la sécheresse qui frappe alors tout le Sahel et des multiples
divisions internes qui affectent cette organisation, naît un système de factions
armées qui prolifèrent grâce aux interventions internationales, à l’absence de
rapports de force durables et à la déconstruction de l’État à laquelle s’appliquent
avec constance le vainqueur du moment et ses partisans.
À son arrivée au pouvoir, en décembre 1990, Idriss Déby bénéficie d’un
cadre bien plus favorable à une stabilisation que son prédécesseur car ses
relations avec ses voisins sont bonnes. Mais il n’a pas mené cette tâche à son
terme. Celle-ci aurait supposé d’entreprendre une véritable réconciliation avec
le « pays réel », guère reflété par les diverses organisations militaires auxquelles
Déby a accordé son attention, entre cooptation et répression. Une
telle démarche aurait privé Déby et ses proches de leur impunité et de leur
hégémonie ; elle aurait exigé de remettre l’appareil d’État au travail, un
gouvernement – et non une présidence – qui gouverne, une armée et une
police fortes mais d’abord soucieuses de respecter les lois, etc.
Le maître argument pour justifier le maintien des anciennes pratiques de
gouvernement est alors la persistance des tentatives de coup d’État et la
constitution de groupes armés aux revendications plus ou moins irréalistes.
Si l’argument est irrécusable, il est politiquement biaisé puisque le président
tchadien agit d’emblée d’une manière qui ne fait que conforter l’idée que
les seules revendications qui obtiennent satisfaction sont celles portées par les
armes : les dirigeants de ces soulèvements sont alors nommés dans la haute
fonction publique, et deviennent même quelquefois ministres, leurs partisans
étant absorbés dans une armée pléthorique qui vit sur la population20.
19. Rapport de la Commission internationale d’enquête des Nations unies au Darfour conformément à la
Résolution 1564 du conseil de sécurité, Onu, Genève, 25 janvier 2005.
20. La structure même de l’armée en démontre l’inanité : il y a autant d’officiers et de sous-officiers
que de soldats. Idriss Déby fait d’ailleurs tout pour éviter la réforme radicale régulièrement exigée
par les donateurs.
La prédation systémique au Tchad est donc le fruit d’une configuration
singulière du système social et politique qu’Idriss Déby a tout fait pour
préserver et qu’on pourrait résumer, comme Marielle Debos le propose, à la
permanence du statut social d’homme en armes sous quelque fonction que
ce soit, douanier, soldat, gendarme, policier, douanier-combattant, coupeur de
route, combattant de la liberté et bandit de grand (et petit) chemin 21.
Si les pays amis du Tchad, et la France au premier rang, avaient eu une
véritable ambition pour leur politique d’aide, ils auraient dû travailler à
rompre ce cercle vicieux par lequel la transition politique n’existe que par la
violence et tout faire pour que le départ d’Idriss Déby du pouvoir se fasse
dans les règles prévues par une constitution légitime, au terme d’une consultation
populaire respectant les normes internationales. Depuis 2003, au moins
du côté français, telle n’aura été ni l’ambition ni la pratique, comme l’illustrent
les déclarations du ministre français de la Coopération Xavier Darcos, félicitant
le Président tchadien de la réforme de la constitution qui lui a permis de
postuler une troisième fois au poste de chef d’État 22, et plus encore l’appui
si clairement formulé aux récentes élections présidentielles, caricature s’il en
fallait encore, de vote truqué.
Hubris et stasis au sein des Zaghawa
Si la logique de reproduction du système politique tchadien se fige globalement
durant le règne d’Idriss Déby, le Tchad change pourtant. On n’évoquera
pas ici les aléas de l’accession au multipartisme et l’émergence de la société
civile. Beaucoup devraient être dits sur la faiblesse et les aveuglements de ces
diverses organisations politiques ou des associations, et bien plus encore sur
les difficultés qu’elles ont simplement à exister dans un système qui ne tolère
que les stratégies individuelles et le clientélisme mâtiné de coercition.
Les années 1990 sont marquées par une différenciation sociale beaucoup plus
forte au sein des Zaghawa que les décennies passées, pour plusieurs raisons.
Du côté tchadien, l’accession au pouvoir d’État de l’un d’entre eux a autorisé
de facto une multiplication des passe-droits et la « capture » de positions
d’accumulation par de nombreux Zaghawa, soit dans le champ économique,
soit par la prédation plus directe (douane ou extorsion) au sein de l’appareil
d’État. La mise en exploitation des champs pétroliers dès l’été 2003 23 n’a fait
qu’élargir les possibilités d’accaparement, quitte à faire perdre la face à la
Banque mondiale. Ces facilités ne sont pas partagées équitablement au sein
du monde zaghawa qui a ses nantis, ses corrompus, ses prédateurs mais aussi
ses pauvres, ses révoltés et ses honnêtes gens 24.
Du côté soudanais, plusieurs dynamiques jouent concurremment. Sous
l’influence d’un des premiers fonctionnaires zaghawa, un instituteur, beaucoup
146 CONJONCTURE
Politique africaine
147 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
de jeunes ont rejoint le mouvement des Frères Musulmans dans les années 1960
et 1970. La victoire du Front national islamique, sous la conduite d’Hassan
al-Tourabi, leur a permis peu à peu d’acquérir des postes d’influence. Or la
société soudanaise, beaucoup plus que la société tchadienne, connaît des
migrations internationales de travail fortes – dès les années 1980, beaucoup
de Zaghawa se sont ainsi impliqués dans des réseaux commerciaux dans le
Golfe ou en Asie à faire de l’import-export. Les pressions internationales
subies par le régime islamiste après 1989 ont encore facilité et accéléré cette
évolution, tant les sanctions sont, pour certains, des aubaines. On mesure
ce dynamisme par l’importance que prend le «marché libyen » dans la capitale
soudanaise, quitte à oublier trop vite les communautés commerçantes zaghawa
installées dans le Kordofan ou l’Est du pays.
Cette accumulation primitive qui suit un peu les règles du business ethnique
est transnationale : non seulement les Zaghawa acquièrent des positions importantes
au sein de réseaux commerciaux qui, du Golfe ou de Malte, achalandent
les marchés soudanais, libyens ou tchadiens, mais ils deviennent actionnaires
dans des compagnies sises dans ces pays. C’est par exemple un très grand commerçant
zaghawa soudanais qui aurait « racheté » la seule savonnerie-huilerie
du Tchad en 2000. De la même manière, l’assassinat d’un homme d’affaire
zaghawa soudanais en octobre 2003 à N’Djamena et l’exécution, dans des
formes extrêmement contestables, d’un des commanditaires supposés de ce
meurtre soulignent les liens économiques entre les Zaghawa des deux pays.
Ainsi, durant les quinze dernières années, des deux côtés de la frontière, le
monde zaghawa se différencie grâce à sa proximité avec l’État et la politique.
Du côté soudanais, les Zaghawa bénéficient des reclassements sociaux
21. Voir les travaux en cours de M. Debos ainsi que J. Roitman, Fiscal Disobedience. An Anthropology
of Economic Regulation in Central Africa, Princeton, Princeton University Press, 2005 et I. Saïbou,
«L’embuscade sur les routes des abords sud du Lac Tchad », Politique africaine, n° 94, juin 2004.
22. « La France soutient la position du président Déby qui a été élu démocratiquement et par deux
fois, elle salue le fait que l’Assemblée nationale, à une majorité supérieure à celle qui d’habitude soutient
le gouvernement, a approuvé la révision de la Constitution », déclaration du ministre Xavier Darcos
lors de sa visite au Tchad, 28 mai 2004.
23. Pour des détails sur les aspects économiques peu abordés dans ce texte, lire OECD Development
Centre and African Development Bank, African Economic Outlook 2005/2006 – Country Studies : Chad,
16 mai 2006, sommaire en ligne <www.oecd.org/home>. L’ironie de la crise politique tchadienne est
qu’elle résulte pour une part des attentes créées dans la population et les élites par les revenus pétroliers
mais que l’exploitation pétrolière, la politique des grandes firmes et de la Banque mondiale ne
suscitent pas le débat politique auquel on pouvait s’attendre.
24. À prendre au premier degré un certain discours oppositionnel, on risquerait d’oublier qu’une grande
part de cette population vit dans des conditions presque aussi misérables que les autres.
autorisés par l’arrivée au pouvoir du National Islamic Front – reclassements
qu’on réduit aujourd’hui trop simplement à une arabisation des dirigeants
actuels du National Congress, en droite ligne avec le fameux « Livre noir »
disponible sur le site Internet du JEM 25. Au Tchad, l’intégration est plus
fragile car elle s’appuie très directement sur le contrôle de l’État et assez peu
sur le « soft power » que peuvent constituer l’instruction et l’émergence d’une
classe d’opérateurs économiques non parasitaires ; par ailleurs, l’émergence
de nouvelles couches sociales mieux intégrées socialement a fragilisé le
petit peuple zaghawa tchadien.
L’opposition à Idris Déby est ancienne et s’est construite sur des critiques
contradictoires de son comportement public et privé. Sans faire la chronique
de cette distanciation, on doit citer en sus de ce qui a déjà été décrit auparavant
au moins trois aspects. Le premier est son reniement de la promesse faite en
2001, au sortir d’élections proprement calamiteuses, de ne pas se représenter.
Les barons du régime espèrent alors voir un terme à la dégradation de la gestion
de l’État et aussi – surtout ? – pouvoir accéder un jour à la magistrature
suprême. La santé de Déby devenant manifestement précaire – il tombe dans
le coma lors du sommet de l’Union africaine à Maputo en juillet 2003 et,
depuis, séjourne en France régulièrement pour des soins –, personne ne
comprend son acharnement et son refus d’organiser sa succession en bon
ordre. Prétendre, comme la diplomatie française le fera lors de la crise d’avril
2006, qu’il n’y a aucun prétendant crédible ne peut faire que sourire, outre
le pathos colonial qu’une telle remarque traduit : imagine-t-on un autocrate
disposé à laisser émerger une alternative ? La ficelle est bien grosse. Un
deuxième point d’accrochage est sa volonté de constituer une chefferie bideyat
qu’il octroie à l’un de ses frères, Timan. Le dernier point est son attitude très
confuse mais très intéressée alors que le conflit au Darfour prend ses marques :
il tente à plusieurs reprises de faire arrêter des cadres zaghawa du JEM et de
les envoyer à Khartoum, ce qui crée une animosité bien au-delà des partisans
de ces Darfouriens.
Le 16 mai 2004, une tentative de coup d’État est évitée de justesse. Elle
prend forme au sein de la Garde républicaine mais ne concerne que les Bideyat.
Les Kobé, pourtant bien représentés au sein de cette garde prétorienne du
régime, ont préféré la neutralité, craignant une manipulation visant à les
éliminer, comme cela s’était produit pour Abbas Koty. Si officiellement aucune
sanction n’est prise, les mutations se multiplient dans les mois qui suivent et
frappent les officiers soupçonnés de félonie mais aussi leurs parents, souvent
innocents, à travers tout l’appareil d’État.
Les défections des Zaghawa se multiplient à partir d’octobre 2005 et donnent
naissance à plusieurs groupes armés réfugiés au Darfour, notamment le Socle
148 CONJONCTURE
Politique africaine
149 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
pour le changement, l’unité et la démocratie (SCUD) dirigé par Yaya Dillo, et
le Rassemblement pour la paix et la justice (RPJ) d’Abakar Tollimi. Cette
désagrégation du premier cercle, malgré les dénégations des partisans de
Déby et les ralliements payés rubis sur ongle, n’a pas cessé : pratiquement
chaque mois depuis octobre, des Zaghawa connus ou moins connus rejoignent
les opposants zaghawa aujourd’hui fédérés au sein du Rassemblement des
forces démocratiques (RAFD) dirigé par un ancien directeur du cabinet
civil du président Déby, Timan Erdimi.
Après avoir convaincu les Français qu’il était au-dessus de son groupe
ethnique, qu’il était, pour ainsi dire, le seul vrai Tchadien, le seul à faire preuve
d’un véritable nationalisme et à embrasser toute la nation, Idriss Déby, qui n’a
pas utilisé le nom de son grand-père pendant plus de deux décennies, fait
rappeler par décret présidentiel en mars 2006 que son nom est Idriss Déby Itno –
manière de rappeler aux membres du lignage des Itno qu’ils lui devaient leur
soutien alors qu’en février 2006 un de ses cousins au premier degré avait fait
défection avec l’ancien chef d’état-major des armées, le général Seby Aguid.
Auparavant, en janvier, il parraine un accord entre les chefs rebelles qui
représentent le mieux cette dimension transnationale du conflit darfourien :
Khalil Ibrahim, Mini Arkoi Minawi et Khamis Abdallah Abakar. Khalil et
Mini signent cet accord pour des raisons qui tiennent à leur survie politique :
si Idriss Déby tombait, toute leur logistique disparaîtrait. Mais il s’agit aussi
d’une autre manifestation (mesurée) de la solidarité zaghawa : pour les Kobé,
aider le régime tchadien affaibli par les divisions au sein des Bideyat, c’est aussi
prendre date pour l’avenir quant à leur place dans le premier cercle. Pour
Mini, dont le groupe ne dispose pas des mêmes attaches au Tchad, il s’agit
d’échanger une garantie contre une autre : les camps et les armes contre le
soutien face à une déstabilisation venue du Darfour. Le cas de Khamis, même
s’il est un Masalit et si son groupe n’a pas d’accès privilégié au pouvoir tchadien,
est assez proche : défait militairement au Darfour occidental, il peut
garantir aux siens un accueil digne de ce nom au Tchad, avoir accès aux armes,
munitions et passe-droits qui lui permettent de repartir à l’offensive au Darfour
et d’exister politiquement alors que les négociations d’Abuja suivent leurs
cours. Tout aussi caractéristique est la situation qui prévaut après la signature
des accords d’Abuja par la faction dirigée par Mini Arkoi Minawi : à la fin mai,
Khamis est à N’Djamena, soumis aux pressions du président tchadien et peu
de ses collègues doutent que ses déclarations hostiles à l’accord d’Abuja sont
inspirées par son hôte, de même que tous évoquent le rôle divisionniste qu’il
25. Visiter le site <www.sudanjem.com/en/index.php>.
a dévolu à Sharif Harir 26. En effet, cet accord le prive de milices supplétives
lors que son opposition armée est aidée par Khartoum.
Khartoum face à la double marginalité sociale des élites et des groupes
combattants
La situation des groupes armés d’opposition tchadiens est plutôt paradoxale.
En effet, à l’intérieur du Tchad, il est patent que le régime d’Idriss Déby est politiquement
(mais pas militairement) moribond, faute d’initiatives politiques ou
de capacité à concevoir des alliances politiques autrement que comme l’achat
d’allégeances individuelles. À l’extérieur, au Darfour et plus marginalement
dans l’extrême nord du pays et en Centrafrique, les organisations armées ne
s’appuient que sur des groupes ethniques de moindre importance démographique.
Outre les Toubous qui se battent dans l’extrême Nord sous la
houlette du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad, il faut
aussi mentionner les Borogate et les Zaghawa.
Le groupe le plus important, celui qui bénéficie en tout cas le plus ouvertement
du soutien des renseignements militaires soudanais, le Front uni pour
le changement démocratique (FUCD, souvent, symptomatiquement, réduit à
FUC) dirigé par Mahamat Nour recrute pour une large part chez les Tama,
parmi d’autres Ouaddaïens et chez les Arabes 27. Il a subi deux cuisantes
défaites militaires à Adré le 18 décembre 2005 et à N’Djamena le 13 avril 2006,
même si politiquement le bilan est tout autre : l’offensive sur N’Djamena a
en effet établi que Déby ne restait au pouvoir que grâce à une intervention
militaire française dont la légalité très contestable n’a pourtant pas été questionnée
par les parlementaires français. Les journalistes, après cette bataille,
ont été surpris de compter des Centrafricains parmi les combattants du FUC.
Cela n’était pourtant pas inimaginable : ces Centrafricains étaient Tchadiens
en avril 2003, lorsqu’il s’agissait de mettre au pouvoir le général Bozizé à
Bangui avec la bénédiction des Présidents tchadien et français. Ils auraient
également pu noter qu’une bonne partie des compagnons du chef de cette
expédition, le colonel Mahamat Issa, étaient des combattants originaires
pour l’essentiel du Ouaddaï, qui avaient un temps suivi le dissident Adoum
Yacoub Kougou et vécu dans la zone des trois frontières (Soudan, Tchad,
Centrafrique) puis s’étaient retrouvés sous la protection du mouvement de
John Garang, avant de s’éclipser pour reprendre la lutte à partir du Darfour
en 2005.
De cette rapide énumération découle une réalité sociologique incontournable:
les mouvements armés s’adossent aujourd’hui sur des groupes ethniques qui
pèsent moins de 15 % de la population du Tchad, si l’on excepte les groupes
arabes qui, eux-mêmes, peuvent représenter entre 15 % et 20 % de la population
150 CONJONCTURE
Politique africaine
151 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
tchadienne Cette marginalité sociologique est l’un des vecteurs de l’influence
de Khartoum. Elle renvoie en miroir à la faible légitimité des élites dirigeantes
tchadiennes et explique à la fois la distance entre la vie politique et une grande
partie de la population, notamment sudiste, et le peu de sympathie dont ses
protagonistes bénéficient dans la population. Les optimistes y trouveront un
signe de la victoire des partis politiques de l’opposition civile qui ont finalement,
en dépit de leurs divisions, démontré la vacuité d’un régime comme celle
d’une opposition armée qui n’offre pas de véritable alternative.
La question de l’implication des Arabes tchadiens dans ces deux crises
mériterait de longues analyses. Une première constatation s’impose : pas plus
dans les tensions actuelles que dans les épisodes précédents de la guerre civile
tchadienne, ils n’ont adopté une position unifiée. Une partie de la communauté
arabe a été avec Déby, au moins jusqu’à l’attaque du FUC sur la capitale.
Après cette attaque, alors que des civils zaghawa ont été armés pour défendre
«leur» régime, un certain nombre d’officiers arabes et goranes ont été désarmés,
et parfois même arrêtés pendant les combats. Cela a encore fragilisé la popularité
déjà vacillante du président tchadien parmi ses derniers fidèles.
Reste que le basculement dans l’opposition armée de cadres politiques
importants est aujourd’hui rendu très difficile par le conflit au Soudan. Le
cas de Ahmat Soubiane Hassaballa, ambassadeur du Tchad à Washington,
qui a fait défection en décembre 2003 est exemplaire de cette difficulté : notable
prestigieux des Mahamid, il lui est impossible de s’installer au Soudan sans
entretenir des relations avec des responsables des janjawid, ce qui détruirait
la crédibilité politique qu’il s’est construite dans les années 1990 en milieu
tchadien et étranger. Mais il y a plus : Idriss Déby semble en effet avoir su
convaincre certains responsables français, et peut-être lui-même, que toute
cette crise était en fait un coup de boutoir des Arabes qui, après avoir pris le
contrôle du Tchad et tout en y maltraitant les Africains, se précipiteraient vers
le Niger et le Nigeria pour y remettre en cause les équilibres sociaux… Que
26. Idriss Déby, qui utilise les groupes darfouriens signataires des accords de janvier comme supplétifs,
n’est pas favorable à l’accord d’Abuja qui le prive de combattants alors qu’il est toujours menacé par
ses opposants depuis le Darfour. C’est pour la même raison qu’il tente de diviser le groupe de Mini
en promouvant avec armes et munitions un autre dirigeant zaghawa, Sharif Harir. Voir notamment
« Sudan : Clashes reported between Darfur rebel factions », Excerpt from report by Sudanese independent
Al-Mashahir (Almshaheer) website on 30 May, BBC monitoring, 31 mai.
27. Population d’agriculteurs, les Tama sont en butte dans les années 1990 aux avancées des pasteurs
zaghawa dont les pâturages sont détruits par la sécheresse. Après de nombreux incidents, ils ont trouvé
refuge au Darfour. Mahamat Nour, petit-fils du sultan, a bâti son soutien populaire sur cet exil forcé.
cette géopolitique de supermarché puisse obtenir l’attention de décideurs
civils et militaires français ne laisse pas d’étonner.
Il faut lui reconnaître, sous une forme inacceptable, une seule validité. Cette
vision fumeuse laisse entrevoir une transformation des élites tchadiennes :
alors qu’elles étaient dans les années 1960 francophones et francophiles, depuis
Habré et plus encore depuis Déby, elles sont devenues beaucoup plus arabophones
et, marginalement, anglophones. La francophonie et la francophilie souffrent
de maux bien connus au Tchad comme ailleurs sur le continent africain.
Ces derniers ont peu à voir avec la géopolitique des nomades arabes se
précipitant vers les plages d’Afrique de l’ouest, beaucoup avec les nouvelles
polarisations économiques 28, les politiques d’octroi de visas et de bourses et,
last but not least, l’origine régionale des élites actuelles au Tchad, faute d’ailleurs
sur ce point, de compétition politique et d’application d’une quelconque méritocratie.
Il faut remarquer l’«admirable» homologie avec un autre discours tenu
aux lendemains du génocide rwandais sur les ambitions coloniales des Hamites
descendus de leurs collines éthiopiennes pour casser du Bantou dans les
Grands Lacs et en RDC…
Une telle vision « stratégique » pose plusieurs questions. Quel peut être le
statut des Arabes tchadiens dans leur pays si, dès qu’ils s’opposent au régime
en place, ils ne sont plus que les supplétifs de la Libye hier, et du Soudan
aujourd’hui ? Comment expliquer que le gouvernement français et son
président aient entretenu jusqu’à l’été 2004 les relations les plus cordiales
avec un régime soudanais qui, après quinze ans d’existence, aurait décidé de
déstabiliser le Niger, le Nigeria, le Mali et, pourquoi pas, quelques pays
d’Afrique centrale ? Comment prêter foi à des arguments aussi dénués de
base factuelle puisque l’une des faiblesses récurrentes du FUC est son incapacité
à organiser des groupes arabes tous hostiles à Déby mais jaloux de leur
indépendance ? Cette instrumentalisation de la « menace arabe » est aussi
conjuguée sur un autre mode plus interne : « moi ou le chaos », formule à
laquelle beaucoup de Tchadiens, pas tous versés dans la politique, font écho
par un « moi et le chaos »…
Faut-il pour autant minimiser l’implication de Khartoum dans les péripéties
militaires qui se déroulent à l’est du Tchad et dans la zone frontalière avec la
Centrafrique ? Certes, non. Il faut en tout cas en prendre la mesure exacte.
Selon Hassan Borgo 29, les services de renseignements soudanais ont invité au
début du conflit au Darfour leurs homologues étrangers, du moins ceux avec
lesquels les relations étaient les plus cordiales. L’un d’entre eux aurait alors
expliqué que la véritable menace était constituée par les Zaghawa qui bénéficiaient
de l’appui d’un État – jamais pour le Soudan, le régime de Déby ne
fut plus qu’un État zaghawa –, étaient disposés de part et d’autre de la frontière
152 CONJONCTURE
Politique africaine
153 Tchad/Darfour : vers un système de conflits
et faisaient d’excellents combattants. Le but aujourd’hui est donc celui-là : se
débarrasser de Déby parce que, par choix ou par impuissance, ce dernier ne
peut contenir les siens et leurs débordements. Pour Khartoum, ou au moins
pour ses services de renseignements militaires, la solution de la guerre
au Darfour passe par N’Djamena, un peu comme en 1989 et 1990 la victoire
contre le SPLM passait par le renversement de Mengistu Haïle Mariam à
Addis-Abeba.
La situation actuelle invite plusieurs scénarios. Si la même passivité
internationale et le même aveuglement français sur les aventures d’Idriss
Déby devaient perdurer, la probabilité est grande de voir une guerre d’attrition
se développer sur les frontières orientales du Tchad. Khartoum pense que sa
sécurité nationale est en jeu et ne laissera pas Idriss Déby faire. De ce point de
vue, l’accord d’Abuja pourrait bien pousser à de nouvelles confrontations
plutôt que de régler le problème dans son ensemble. Ces combats pourront
opposer les Zaghawa entre eux ou aux Four. Ils rendront rapidement inapplicable
l’accord d’Abuja, ce qui ne mécontentera pas Khartoum. C’est ce scénario
qui est aujourd’hui le plus crédible.
Autre scénario, Déby, sous la pression internationale, pourrait proposer
des postes à des dirigeants de l’opposition civile et faire tout son possible
dans le même temps pour obtenir que la force onusienne prévue pour le
Darfour installe sa base arrière au Tchad. On risque là de se retrouver devant
une évolution néfaste pour la réputation de la communauté internationale.
L’opposition civile sera très réticente à accepter un accord de ce type tant
elle est convaincue (avec de bonnes raisons) qu’elle y perdrait son âme et y
gagnerait peu d’argent pour beaucoup de discrédit, ce qui ne ferait que valider
les groupes d’opposition armés. La présence internationale serait quant à
elle rapidement l’otage des règlements de compte qui auraient lieu sur la
zone frontalière : elle ne disposerait pas du mandat pour intervenir mais
écoperait des balles perdues et serait tenue responsable des charniers qui ne
sauraient manquer.
Un troisième scénario est aujourd’hui improbable tant il suppose une
capacité critique et réflexive des acteurs internationaux : ces derniers (dont
le gouvernement français) devraient abandonner certains axiomes actuels
de leur politique vis-à-vis du Tchad et du Darfour et accepter de traiter
28. K Bennafla, «Tchad : l’appel des sirènes arabo-islamiques », Autrepart, n° 16, 2002.
29. Entretien, Khartoum, février 2006.
simultanément les deux crises (et peut-être trois, si la Centrafrique devait
basculer elle aussi dans les troubles). Avant de se lancer dans une nouvelle
opération gigantesque, ils devraient favoriser simultanément ce que l’accord
d’Abuja appelle une conférence entre acteurs darfouriens et un dialogue
national au Tchad afin de cumuler les avantages d’une remise à plat des
problèmes des deux pays, sans qu’un des deux régimes puisse s’appuyer
sur une indifférence de la communauté internationale pour défaire les
avancées sur l’autre dossier. On gagnerait une cohérence politique qui
inciterait, peut-être mieux qu’hier, les protagonistes de ces crises à décider
comment leur destin doit s’enraciner au Tchad ou au Darfour, mais toujours
dans la paix… ■
Roland Marchal
CNRS/CERI
154 CONJONCTURE
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article