"Je ne crois pas qu'un poste, quel qu’il soit, dans le gouvernement de Monsieur Deby, puisse me permettre de servir mon pays." Colonel Adoum Yacoub

Publié le par Akhbach

Le Colonel ADOUM YACOUB KOUGOU, ancien Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères et ancien Chef d'Etat Major des Armées, a tenu une conférence de presse au Centre d’Accueil de la Presse Etrangère (CAPE) à Paris le 26 octobre 2007. En sa qualité de Président du Front Populaire pour la Renaissance Nationale (F.P.R.N.) et Coordonnateur National de l' Union des Forces pour le Changement (U.F.C.), il a essayé d’apporter des clarifications et faire une analyse sur la situation politique et militaire du Tchad et de la sous-région à la veille de l'envoi des forces de l'Union Européenne. Le journal Tchad-Info (Alwihda) l’a invité en marge de cette conférence. Il répond volontiers à nos questions.

Tchad-info.net :

 Colonel Adoum Yacoub bonjour. Pourquoi organiser une conférence de presse au CAPE/France à Paris au lendemain de la signature d’un accord de paix et de réconciliation nationale entre le gouvernement du Tchad et les quatre principaux groupes rebelles tchadiens à Syrte en Libye ?
Colonel Adoum Yacoub :

 Bonjour et merci de me donner cette possibilité d’exprimer ma vision des choses par rapport à la lutte pour laquelle nous nous sommes engagés. Pour répondre à votre question, il y a deux raisons :
La première, c’est le hasard du calendrier qui a voulu que je sois ici en ce moment et qu’il faut se donner la possibilité de dire notre point de vue par rapport à ce qui se passe au pays.
La deuxième raison, c’est que le CAPE, comme son nom le dit, est le Centre d’Accueil de la Presse Etrangère à Paris en France et où l’ensemble de la presse africaine y est représentée par l’intermédiaire de l’APPA (Agence de Presse Panafricaine).

Tchad-info.net :

La présence du chef de l’Etat tchadien à Syrte pour prendre part personnellement à la signature dudit accord ne vous semble-t-elle pas comme le gage d’une volonté de ramener la paix au Tchad ?
Colonel Adoum Yacoub :

Honnêtement je ne le pense pas et je ne le crois pas. Jusque-là, en dix-sept années d’exercice de pouvoir, je n’ai vu aucune volonté politique manifestée par le président Deby pour résoudre véritablement les problèmes du Tchad. Je vous informe que j’ai pu le regarder en face, l’observer personnellement à la table ronde de Franceville en 1996 et je me suis fait une idée sur sa personne. J’ai démasqué, il faut le dire malheureusement, que ce monsieur se préoccupe davantage de ses intérêts personnels et gère le pays comme une épicerie familiale et, passez-moi l’expression, se fout royalement des intérêts du Tchad et des Tchadiens.

Tchad-info.net :

Qu’attendez-vous du régime tchadien pour déposer les armes ? Un poste clef ? Un partage équitable du pouvoir peut-être ?
Colonel Adoum Yacoub :

 Je vois que vous ne me connaissez pas assez. J’ai eu plusieurs occasions d’avoir des postes clefs dans des gouvernements hautement plus responsables que ceux de Monsieur Deby mais je n’ai jamais voulu appartenir à un gouvernement pour occuper un poste clef où je ne puis pas être rentable ou ne pas pouvoir servir mon pays. Dans le FROLINAT (Front de Libération Nationale du Tchad) sous le GUNT (Ndlr, Gouvernement d’Union Nationale et de Transition dirigé par l’ancien président Goukouni Weddeye de 1979 à juin 1982), j’ai toujours assumé des responsabilités à travers lesquelles j’étais au service de mon pays et je ne crois pas qu’un poste, quel qu’il soit, dans le gouvernement de Monsieur Deby, puisse me permettre de servir mon pays.

Tchad-info.net :

Pensez-vous pouvoir un jour chasser militairement le régime actuel du Tchad ?
Colonel Adoum Yacoub :

Je ne connais pas de mouvement ou d’organisation qui ait pris les armes en se disant au départ que nous ne pouvons pas accomplir notre mission. On s’efforce toujours d’accomplir sa mission. Pour tout dire, nous souhaitons toujours qu’il y ait des solutions pacifiques négociées aux problèmes politiques si la volonté politique de tous les côtés est là. Il n’y a que ceux qui ne connaissent pas la guerre, ceux qui n’ont pas souffert la guerre dans leurs chaires qui peuvent se vanter de vouloir absolument des solutions militaires. J’ai combattu trop longtemps au Tchad, j’ai souffert dans ma chaire pour savoir quel est le prix à payer. Mais si c’est le prix à payer pour que le Tchad retrouve le visage d’un pays normal, nous continuerons et nous pensons que nous arriverons à atteindre nos objectifs. Les problèmes du Tchad c’est Idriss Deby. Ce monsieur est dangereux. Seul son départ négocié ou forcé doit ramener la paix au Tchad.

Tchad-info.net :

Depuis le ralliement de Mahamat Nour Abdelkérim au régime de N’Djamena en décembre 2006, il y a un statu quo sur le terrain en termes d’hostilités militaires. Cela ne s’explique-t-il pas par l’incapacité des différentes rebellions tchadiennes à venir à bout des forces gouvernementales ? N’est-ce pas ce cas de figure qui explique aujourd’hui les ralliements massifs des opposants et les signatures d’accords de paix qui pullulent de part et d’autre au bénéfice du pouvoir ?
Colonel Adoum Yacoub :

Je ne suis pas d’accord avec vous pour dire que depuis le ralliement de Mahamat Nour c’est l’accalmie totale. Il y a eu énormément de combats mêmes s’ils n’ont pas mené de changements profonds sur la situation du pays. Naturellement, chaque organisation, chaque mouvement a sa propre stratégie, sa propre tactique, ses propres objectifs et va à son propre rythme. Nous sommes actuellement les plus anciens sur le terrain. Nous sommes une organisation peut-être pas la plus active parce que nous avons adopté notre propre tactique et une stratégie en fonction de nos moyens, de notre propre politique sur le terrain, mais nous existons. Il ne s’agit pas d’une course contre la montre. L’expérience de Mahamat Nour qui est allé jusqu’aux portes de N’Djamena à un certain moment montre qu’il ne s’agit pas de faire dans la précipitation. C’est pour ça peut-être qu’il y a une accalmie apparente. Mais je ne crois pas que ça soit la fin de la lutte contre le régime de Deby.

Tchad-info.net :

En tant qu’ancien collaborateur du régime tchadien, vous ne vous-sentez pas en partie responsable de la paupérisation de la situation qui prévaut au Tchad ?
Colonel Adoum Yacoub :

Je n’ai jamais collaboré avec le régime de Deby. Idriss Deby est arrivé au pouvoir en décembre 1990. Personnellement, j’ai quitté le Tchad en septembre 1990. Je n’ai pas travaillé un seul jour avec ce régime. Par ailleurs, les quelques jours que j’ai passés au Tchad en septembre 1991 (deux semaines en tout) m’ont persuadé qu’il n’y avait rien à attendre de cette équipe. Il est vrai qu’un très grand enthousiasme a envahi les Tchadiens, à l’arrivée de ce régime au pouvoir, pensant qu’il apportait un peu de liberté et de démocratie au Tchad. Or, qu’est-ce qui se passe encore aujourd’hui ? L’on est en face d’un régime qui a connu le plus grand nombre de rebellions, de dissensions, de contestations. Le régime de Tombalbaye n’en a pas connu autant ; Le régime militaire de Malloum n’en a pas connu autant ; Ni Goukouni ni Habré n’ont connu un tel rejet. Alors pourquoi Deby connaît-il autant de contestations ?

Tchad-info.net :

 En votre qualité de militaire de formation, avez-vous un programme politique précis ?
Colonel Adoum Yacoub :

En tant que Front Populaire pour la Renaissance Nationale (FPRN) et en tant qu’Union des Forces pour le Changement (UFC), nous avons évité de rendre publiques nos ambitions politiques pour le Tchad.

Tchad-info.net :

Quels sont vos moyens humains et matériels pour combattre les forces du régime de N’Djamena ?
Colonel Adoum Yacoub :

C’est une question de renseignement militaire. Je ne suis pas disposé à donner des chiffres par rapport à cette question.

Tchad-info.net :

Ne craignez-vous pas que des tirs de semonce anéantissent vos forces en cas d’une offensive similaire à celle du 13 avril 2006 sur N’Djamena ?
Colonel Adoum Yacoub :

Avril 2006 est une autre époque. Je demeure convaincu que chaque mouvement, chaque organisation adopte ses propres tactiques, ses propres stratégies et utilise ses propres moyens. Nous verrons le moment venu. Mais des tirs de semonce n’arrêteront jamais notre combat.

Tchad-info.net :

 Avec le ralliement quasi-total des politico-militaires au régime tchadien, votre organisation ne se retrouve-t-elle pas un peu esseulée dans sa lutte contre le pouvoir ?
Colonel Adoum Yacoub :

 Ceux qui sont rentrés ou ceux qui s’apprêtent de le faire étaient sponsorisés par des pouvoirs ou des régimes étrangers. La bande des quatre était sponsorisée par Khartoum ; Mahamat Nour c’était pareil. Pour notre part, nous sommes libres et indépendants. Nous existons et luttons avec nos propres moyens. Personne ne peut faire pression sur nous pour nous imposer une solution ou nous obliger à aller à des rencontres sans notre agrément. Par ailleurs, quand vous dites la quasi-totalité, je ne sais à combien vous pensez réduire les politico-militaires. Je vous rappelle que le colonel Dasser vit depuis trois ans au maquis. Le colonel Michel est également au maquis. Les forces du FDP du Dr Nahor sont toujours au maquis. Il y a des gens comme Ahmat Hassaballah Soubiane qui sont en train de s’organiser. Tout ce monde que je viens de citer n’a pas signé d’accord. Je dois dire aussi que parmi ceux qui ont signé l’accord du 25 octobre 2007, il y aura beaucoup de dissidents car tous ne vont pas rentrer. Pour ma part, je regagne le maquis dès la fin de cette conférence.

Tchad-info.net :

 Quels vœux aimeriez-vous formuler pour le Tchad ?
Colonel Adoum Yacoub :

Que le peuple tchadien vaincra !

Tchad-info.net :

Colonel Adoum Yacoub, merci.
Colonel Adoum Yacoub :

Merci à vous.

Entrevue réalisée par Mohamed A. KEBIR

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